Théorie de l'onde pilote

La théorie de l'onde pilote est une théorie développée par Louis de Broglie dans les années 1926-1927, visant à donner une interprétation à la dualité onde-corpuscule. Cette théorie découle des idées présentées dans sa célèbre thèse de 1924^[1] (voir hypothèse de De Broglie) qui fut à l'origine de la mécanique ondulatoire, et a été présentée en 1927 sous le titre de "théorie de la double solution"^[2].

Louis de Broglie présente lui-même cette théorie en ces termes :

«Je cherchai par conséquent à me représenter la dualité onde-corpuscule par une image spatiale où le corpuscule serait le centre d'un phénomène ondulatoire étendu. Je fus ainsi amené à envisager, à côté des solutions continues des équations de la Mécanique ondulatoire généralement reconnues dont la signification statistique s'imposait de plus en plus, d'autres solutions comportant une singularité et servant à définir la position dans l'espace du corpuscule.»

Bien que qualifiée par De Broglie lui-même de "peu défendable", cette théorie fut reprise et perfectionnée par David Bohm en 1952 ^[3] pour donner la théorie de De Broglie-Bohm qui est toujours actuellement un paradigme de théorie quantique à variables cachées^[4].

Contexte historique

En 1926, le physicien Erwin Schrödinger établit la mécanique ondulatoire, en rapprochant l'hypothèse de De Broglie et la mécanique analytique d'Hamilton-Jacobi, et produit la fameuse équation qui porte son nom.

La mécanique ondulatoire génèrait un certain nombre de questions principales :

• La question de la signification physique de l'onde dont la mécanique ondulatoire décrit les propriétés : est-ce que l'onde décrivait une onde réelle de nature inconnue, ou était un simple modèle mathématique à signification seulement statistique ?
• La question de la place de la notion de particule, et de la dualité onde-corpuscule : selon la mécanique ondulatoire, toute l'information est contenue dans la fonction d'onde ; il n'y a pas de place a priori pour la notion de corpuscule, et des notions comme la trajectoire des corpuscules perdent leur sens.

Louis de Broglie n'acceptait pas une perte de réalité de la notion de corpuscule et de sa trajectoire. Il rechercha par conséquent, entre 1924 et 1927, une théorie qui permettrait de donner un sens physique autant la fonction d'onde de Schrödinger qu'au concept de corpuscule. Cette théorie est la théorie de l'onde pilote.

Définition et histoire de la théorie

La théorie de l'onde pilote, dite aussi théorie de la double solution, repose sur une ressemblance hydro-dynamique de l'équation de propagation de la fonction d'onde, l'équation de Schrödinger (ressemblance déjà signalée jusque là par le physicien allemand Erwin Madelung).

L'onde est associée, par cette ressemblance, à un fluide fictif dont la densité correspond en tout point à l'intensité de l'onde au même point, et dont les lignes de courant sont analytiquement définissables à partir de l'équation de propagation.

Cette ressemblance seule ne suffit pas à modéliser le problème de la dualité onde-corpuscule, car elle apporte un ensemble de lignes de courant, et par conséquent un ensemble de trajectoires envisageables, de probabilité différentes, pour une particule. Le concept de particule, ayant une trajectoire déterminée, n'apparait pas toujours.

Pour faire apparaitre le concept de particule, qui selon De Broglie doit être un élément de réalité, ce dernier tente de montrer que l'équation d'onde possède - en plus des lignes de courant - une deuxième solution (d'où le nom de la théorie) consistant en une singularité mobile, assimilable à un corpuscule.

Il reste à associer les deux solutions pour donner un sens à la dualité onde-corpuscule. La clé de la théorie est le théorème de guidage qui permet d'associer les deux solutions : selon ce théorème, si l'équation d'onde admet une deuxième solution singulière possédant les mêmes lignes de courant, alors la singularité est mobile et suit obligatoirement une des lignes de courant.

La théorie de l'onde pilote semblait apporter un éclairage satisfaisant au problème de la dualité onde-corpuscule : elle apportait une compréhension de l'articulation des deux concepts : l'onde, de nature physique non spécifiée, mais réelle, sert de "guide" à une particule qui n'est autre qu'une singularité de cette onde. L'expérience des fentes de Young, qui met spécifiquement en évidence la dualité onde-corpuscule, s'explique de manière aisée et compréhensible.

La théorie de l'onde pilote fut présentée au congrès Solvay de 1927 et y reçut un accueil réservé. La théorie était toujours dans un état peu développé et comportait trop de faiblesses mathématiques et physiques pour convaincre les physiciens dont la majorité étaient déjà acquis à l'interprétation probabiliste de Born. Ceux qui y étaient réticents, Schrödinger et Einstein, émirent eux aussi des réserves. Schrödinger ne croyait pas en la solution singulière de la fonction d'onde : pour lui, seules les solutions régulières avaient une signification physique. Einstein, viscéralement opposé au concept de singularité, ne pouvait accepter la solution singulière. Cependant, Einstein encouragea en privé De Broglie à poursuivre ses recherches dans cette voie. ^[5]

Malgré cela, De Broglie finit par abandonner cette théorie. Elle fut oubliée pendant une trentaine d'année, avant d'être reprise et développée par David Bohm en 1952. Cette théorie corrigea les principales faiblesses mathématiques et physiques de la théorie de l'onde pilote.

Cependant, cette théorie de De Broglie-Bohm n'est toujours pas reconnue comme satisfaisante par la majorité des physiciens étant donné des problèmes restant comparé à la relativité restreinte, et les nombreux éléments rendant peu probable l'existence de théories quantique à variables cachées.

Références

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